Le syndrome d’apnées du sommeil (SAS), maintenant appelé syndrome d’apnées hypopnées obstructives du sommeil (SAHOS), est un important problème de santé publique en raison de sa fréquence et de ses complications. Depuis quelques décennies, la connaissance de cette pathologie, les moyens de diagnostic, les thérapeutiques ont évolué, et la prise en charge est bien codifiée.

 

Mécanisme de l’apnée obstructive

L’apnée obstructive du sommeil résulte de l’obstruction du pharynx en arrière de la langue, par un relâchement des muscles dilatateurs du pharynx, en particulier de celui qui tire la langue vers l’avant.

Ce relâchement survient pendant le sommeil, surtout au cours des phases de rêve durant lesquelles les muscles sont totalement détendus. Il peut être favorisé par l’alcool et les médicaments anxiolytiques.

La langue part en arrière, rétrécissant le pharynx, à l’origine d’un ronflement, puis d’une hypopnée (baisse du flux d’air dans ce rétrécissement) et enfin d’une apnée (arrêt complet du flux d’air d’au moins 10 secondes). Tout ce qui réduit le calibre du pharynx (hypertrophie des amygdales, rétrognatisme, obésité avec dépôt graisseux des parois pharyngées) favorise l’apnée, ainsi que la position couché sur le dos.

La personne qui fait une apnée lutte contre l’obstacle en essayant d’inspirer de plus en plus fort, ce qui finit par la réveiller un court instant (micro-éveil). Dès le réveil, le tonus des muscles du pharynx réapparait, la langue se replace en avant et l’air peut à nouveau circuler.

Ce phénomène se reproduit ensuite de manière variable, allant de 5 apnées par heure (définition du syndrome d’apnées du sommeil) à plus d’une centaine.

 

Conséquences des apnées

Les micro-éveils vont altérer gravement la qualité du sommeil qui est volontiers agité, réduire le sommeil profond reposant, et engendrer une somnolence diurne (endormissements, risque d’accidents), une moindre concentration, une irritabilité, un manque d’efficacité intellectuelle, des troubles de mémoire, une tendance dépressive.

Chaque réveil déclenche un stress, particulièrement pour l’appareil cardiovasculaire, avec des conséquences sur la tension artérielle, le rythme cardiaque. Les patients apnéiques sont plus souvent hypertendus, coronariens (risque d’infarctus), ils font plus de troubles du rythme (arythmie), plus d’accidents vasculaires cérébraux que les autres.

Enfin, les apnées s’accompagnent souvent d’une polyurie nocturne, parfois de sueurs, de céphalées matinales, et d’impuissance.

 

Diagnostic du syndrome d’apnées du sommeil

Suspecté par l’interrogatoire qui retrouve des signes diurnes : somnolence excessive mesurée par l’échelle d’Epworth, troubles cardiovasculaires, céphalées au réveil, et nocturnes : ronflements, apnées constatées par le conjoint, réveils brutaux, polyurie, sueurs, survenant chez une personne en surpoids, il doit être confirmé par un enregistrement de la respiration durant le sommeil (polygraphie ventilatoire) ou avec analyse du sommeil (polysomnographie).

Des capteurs analysent le flux aérien naso-buccal, les mouvements respiratoires, les ronflements, la position, et la saturation du sang en oxygène. En polysomnographie, les capteurs de l’activité cérébrale, des mouvements oculaires et du tonus musculaire permettent d’étudier le sommeil et ses perturbations dues aux apnées.

Ainsi on confirme le diagnostic d’apnées du sommeil, on évalue sa gravité : léger de 5 à 15/h, modéré de 15 à 30/h, grave au-delà de 30/h, et son retentissement sur le sommeil, sur l’hématose (désaturation en oxygène due aux apnées). Le cas particulier des SAHOS positionnels (apnées uniquement ou presque sur le dos) ouvre la possibilité d’un traitement spécifique.

 

Complément de bilan devant un SAHOS

 

On recherche des facteurs favorisants : obésité, anomalies ORL (amygdales, rétrognatisme, obstruction nasale par déviation de cloison, allergie, polypes), hypothyroïdie, prise de médicaments anxiolytiques, d’alcool.

On évalue les conséquences par bilan cardiaque (HTA, coronaropathie, troubles du rythme) et respiratoire (association à une BPCO, hypoxie diurne et hypercapnie à la mesure des gaz du sang).

 

Les traitements

 

La pression positive continue (PPC) est un appareil qui envoie de l’air sous pression dans les voies aériennes supérieures par l’intermédiaire d’un masque nasal ou bucco-nasal, ce qui empêche la fermeture du pharynx pendant le sommeil. On l’utilise pendant la nuit, à une pression variable le plus souvent autopilotée par la machine. La disparition des apnées restaure la qualité du sommeil, en supprimant les micro-éveils et leurs conséquences. Son efficacité est excellente et sa tolérance est bonne.

 

L’orthèse d’avancée mandibulaire est un dispositif intrabuccal qui se place sur les dents et qui est destiné à empêcher le maxillaire inférieur de reculer pendant le sommeil. Son efficacité est inférieure à la PPC, elle est surtout indiquée chez les patients qui font des apnées principalement sur le dos.

 

Les traitements positionnels s’adressent aussi à ces patients qui font des apnées en position dorsale et peu ou pas en position latérale. Il s’agit de matériel qui oblige les patients à dormir sur les côtés (sphère positionnée entre les omoplates, coussin triangulaire porté comme un parachute, …)

 

La chirurgie ORL est destinée à enlever un obstacle (amygdalectomie), à corriger un rétrognatisme (avancée mandibulaire), à rétablir la filière nasale (polypectomie, repositionnement de cloison).

 

La neurostimulation de l’hypoglosse par électrodes implantées n’est pas encore très développée. Elle consiste à entrainer une contraction des muscles de la langue pour empêcher l’apnée.

 

Les mesures plus générales comme la perte de poids et la suppression de l’alcool et des tranquillisants sont systématiquement mises en œuvre.

 

Indications thérapeutiques

 

Devant un SAHOS léger à modéré, on privilégie les mesures hygiéno-diététiques (perte de poids, arrêt de l’alcool et des tranquillisants) ainsi que les traitements locaux ORL, qui visent à rétablir la perméabilité nasale, et libèrent l’espace pharyngé. L’orthèse d’avancée mandibulaire est une bonne indication, si les mesures précédentes sont insuffisantes ou non indiquées.

 

En cas de SAHOS grave, la mise en place d’une PPC est conseillée en première intention, amenant une amélioration rapide des symptômes et de la qualité de vie, avec restauration d’un sommeil reposant, et assurant une bonne protection cardio-vasculaire.

Les mesures hygiéno-diététiques sont bien sûr indiquées, avec parfois chirurgie bariatrique en cas d’obésité morbide.

En cas d’échec (rare) ou de mauvaise tolérance à la PPC, on peut utiliser l’orthèse qui sera moins efficace, la chirurgie ORL, voire même la stimulation de l’hypoglosse.

 

CONCLUSION

 

Le SAHOS est fréquent, surtout chez l’homme et chez la femme après la ménopause. Il favorise de nombreuses affections, détériore la qualité de vie, augmente la mortalité et les morbidités.

Son dépistage est primordial, car son traitement (PPC)améliore la qualité de vie et réduit les risques de maladies associées, en particulier cardio-vasculaires.

Sa prévention passe par la lutte contre l’excès de poids, la surveillance au niveau ORL d’une bonne perméabilité nasale et pharyngée, la tempérance alcoolique et l’abstention de médicaments favorisant le relâchement musculaire.

A noter enfin que le SAHOS existe chez l’enfant, le plus souvent par obstacle pharyngé (hypertrophie amygdaliennes, végétations), mais aussi par l’obésité de plus en plus fréquente. Son dépistage et son traitement (chirurgie ORL surtout) sont primordiaux, car la mauvaise qualité de sommeil de ces enfants retentit gravement sur les capacités d’apprentissage, source de retard scolaire et de plus bas niveau d’éducation.